Le handicap m’a obligée à emprunter d’autres chemins, pour vivre pleinement ce que je devais vivre
Interview de Françoise Caron par Myriam Callec-Loubayère
Françoise Caron est présidente des Associations Familiales Protestantes. Avec son mari, ils ont accueilli près de 90 enfants en tant que famille d’accueil. Atteinte d’un lourd handicap visuel depuis son enfance, elle raconte dans le livre La famille chevillée au cœur, comment elle a tracé son chemin, malgré le handicap, avec l’aide de Dieu. Dans le dernier numéro de Tournesol, une partie de son enfance a été retracée en bande dessinée.
Myriam : Dans la bande dessinée de Tournesol, alors que vous venez d’être admise dans un collège spécialisé, vous refusez de vous déplacer avec une canne blanche. Qu’est-ce qui a motivé cette réaction ?
Françoise : J’avais l’impression qu’en utilisant la canne blanche, je devenais handicapée comme si la canne était le prolongement de mon corps. J’étais confrontée à des situations difficiles mais il y avait en moi une volonté farouche de faire, de me diriger, sans avoir recours à ce qui, aux yeux des autres, me catégoriserait comme différente.
Quelles limites le handicap vous a-t-il imposées ?
Je dirais qu’il m’a obligée à emprunter d’autres chemins, à contourner des obstacles, pour vivre pleinement ce que je devais vivre. Ainsi, il ne m’a pas limitée, mais il m’a appris à gérer quelques frustrations pour découvrir d’autres façons d’aller là où on veut et d’accomplir ce qui nous semble bon.
Est-ce que ce handicap vous faisait peur ?
Je crois que la peur traverse, impacte chaque enfant, chaque être humain, mais, dans ma propre histoire en effet, j’ai été confrontée très jeune à la peur des autres pour moi. La peur de mes parents, de mes enseignants, des adultes qui m’entouraient concernant les dangers auxquels je pouvais être exposée, les risques d’avoir du mal à être autonome. Et leur peur était contagieuse et me paralysait. Ensuite, j’ai dû affronter la peur du noir, du regard de l’autre, d’un futur différent de celui auquel j’aspirais. Mais ces peurs m’ont tellement appris à faire confiance à Dieu qu’elles se sont transformées en vecteurs d’une relation intime, je dirais presque amicale, puis pleinement filiale avec Dieu, mon papa.
Citez-nous trois choses que vous n’auriez peut-être jamais imaginé vivre ?
Accueillir autant d’enfants au sein de ma propre famille pour en prendre soin et les aimer en tant que famille d’accueil.
Défendre et représenter la famille au plus haut niveau de l’État.
Être pleinement heureuse malgré le handicap et en capacité de transmettre cette joie et cette paix profonde, puisée dans ma relation avec Dieu.
Pouvez-vous nous parler de votre rôle d’ambassadrice du SEL ? *
Être ambassadrice du SEL, c’est contribuer à la sensibilisation de nos familles sur l’importance de s’ouvrir à l’autre, de partager un peu de son vécu, de son pain, avec d’autres familles, d’autres enfants à qui on peut apporter ce petit rien qui va changer leur vie. Je dois prendre soin du plus petit et du plus fragile juste à côté de moi, sans jamais oublier ceux et celles qui sont aux extrémités de la terre.
Qu’est-ce qui vous rend fière dans votre vie ?
Je dirais, qu’avec l’aide de Dieu, j’ai pu avoir une famille où se transmet l’amour infini découvert en Jésus-Christ. Je suis fière de mon mari, de mes enfants et petits-enfants. Je suis fière de transmettre tout ce que j’ai reçu de Dieu, bien au-delà de ma famille d’ailleurs.
Est-ce qu’il y une pensée ou un verset qui vous a accompagnée tout au long de votre vie et que vous voudriez nous partager ?
L’homme regarde ce qui frappe le regard, mais Dieu regarde au cœur !
Dieu a vu mon cœur et me permet de voir avec les yeux de mon propre cœur, bien au-delà des apparences humaines et contextuelles.
* Le SEL (Service d’Entraide et de Liaison) est une association protestante de solidarité internationale qui vise à améliorer les conditions de vie de personnes et de populations en situation de pauvreté dans les pays en développement. Il agit toujours en partenariat avec des acteurs chrétiens locaux. Son action se répartit entre le soutien à des projets de développement, le parrainage d’enfants, le secours d’urgence et la sensibilisation de son public aux questions de pauvreté. www.selfrance.org
Les Éditions LLB ont publié en collaboration avec le SEL l’ouvrage Aimer son prochain, qu’en dit la Bible ? à propos des questions de pauvreté, de solidarité et de justice.
SEL est également partenaire avec le magazine Tournesol pour présenter en BD le travail de Compassion International qui intervient auprès de 2,3 millions d’enfants en situation de pauvreté dans le monde.