Alors que parait La boussole – 30 pépites spirituelles pour garder le cap nous avons voulu en savoir plus sur l’origine de ces méditations en interrogeant Isabelle Richard, présidente de la Fédération de l’Entraide Protestante (FEP).

 

Quelle est l’histoire de La Boussole ?

La Boussole est née au tout début du premier confinement, lorsque nous nous sommes retrouvés dans une situation inédite et en état de sidération face à ce qui se passait. Nous avons été saisis, très préoccupés de la situation des personnes qui vivaient dans des lieux fermés (établissement d’accueil pour les handicapés par exemple ou encore les hôpitaux). Ces personnes se retrouvaient privées de tous ceux qui étaient là habituellement pour les entourer sur le plan spirituel (aumôniers, pasteurs, bénévoles). Elles risquaient de se retrouver dans des situations de solitude et de détresse.

Très vite, nous avons réuni des personnes ressources et nous avons réfléchi à une proposition de message à dimension spirituelle qui réponde aux préoccupations du moment. Il y avait beaucoup d’angoisse, de questionnements à tous les niveaux. La relation à l’autre était altérée (pas le droit de se toucher ou de s’embrasser, par exemple). Nous voulions nous positionner sur ce qui se passait, à la lumière des Écritures.

C’est Isabelle Bousquet (pasteure à la Fondation John Bost) qui a eu l’idée du titre, La Boussole. Des pasteurs ont commencé à rédiger. Au début, les questions étaient liées à la pandémie : Est-ce que l’autre est une menace ? Comment faire face à des annulations et à tous ces changements dans nos projets ?

Nous pensions que ça allait durer quelques semaines. Mais après un confinement assez long, il y en a eu un deuxième. Nous n’avons pas arrêté. Nous avons eu énormément de messages touchants qui nous ont encouragés à continuer. L’équipe de rédaction s’est étoffée au fil du temps.

 

Comment choisissez-vous les thèmes pour votre lettre hebdomadaire ?

Nous nous réunissons tous les mois pour identifier les questions que nous allons traiter. Nous essayons d’être attentifs à ce que vivent les gens, au contexte, à l’actualité. Certains lecteurs envoient leurs questions, et nous en sélectionnons certaines. C’est actuellement Brigitte Martin qui reçoit et traite les questions des lecteurs.

Un premier ouvrage est paru, qui était très lié à la pandémie, tandis que ce nouveau recueil aborde des questions plus universelles.

Une fois qu’on est d’accord sur la question, on en cisèle l’intitulé. Ce sont des moments très intéressants avec des visions qui se croisent, différentes approches. Ensuite, nous ouvrons nos Bibles pour trouver le verset qui fait écho à la question posée.

 

Qui sont les contributeurs (auteurs et artistes) de ce livre ?

La question est confiée à deux théologiens ou pasteurs, puis, au fil du temps, nous avons ajouté une troisième voix : un acteur de terrain qui apporte un autre éclairage.

Les artistes nous offrent leurs œuvres, nous avons un joli bouquet d’artistes qui illustrent chaque question. Parfois, c’est nous qui passons commande pour illustrer certaines thématiques.

 

À qui s’adresse ce livre ?

Nous ne nous adressons pas uniquement à des chrétiens, mais aussi au grand public, qui ne connait pas forcément la Bible. Le vocabulaire est choisi pour que les personnes qui ne connaissent pas la Bible puissent comprendre. Les questions concernent tout le monde. Le petit verset peut nourrir les réflexions et interpeler.

 

Quelles ont été les réactions à la création de la lettre hebdomadaire La Boussole ?

Plusieurs milliers de lecteurs lisent La Boussole chaque semaine et nous avons reçu de nombreux témoignages de reconnaissance. En voici deux :

Un sujet qui nous concerne, des témoignages sincères, la profondeur du vécu et le souffle de l’Esprit : autant d’éléments qui constituent ce cocktail énergisant qui vient booster ma vision de la mission.

Nicole Deheuvels, pasteure, ancienne directrice du département SolosDuos à la Fondation La Cause

 

Les semaines passent et je me nourris chaque fois de ces si jolies publications dont les thématiques font écho au vécu de tous les jours.

Les semaines passent et souvent, la seule lecture de La Boussole me redonne énergie et courage quand le quotidien professionnel devient trop lourd ou troublé.

Les semaines passent et je ne prends pas le temps de dire merci pour ces regards croisés, éclairants, soutenants.

Alors aujourd’hui, je veux dire merci pour ce magnifique travail toujours riche et renouvelé. C’est un cadeau que je reçois avec beaucoup de reconnaissance.

Clément Grenier, directeur du Foyer fraternel à Bordeaux

 

Est-ce que La Boussole va continuer ?

La Boussole est née dans une situation particulière, mais qui répondait à un vrai besoin, et ça a été l’occasion de remettre l’ancrage spirituel au centre de notre action. Cette publication me tient beaucoup à cœur et, tant que je serai présidente de la FEP, nous en poursuivrons l’édition.

 

Un dernier mot ?

Nous sommes très reconnaissants à tous ceux qui écrivent pour La Boussole, qui est portée par l’écriture de nombreux bénévoles, et aux artistes !

Que ce message soit source de lumière dans un monde parfois si sombre et si inquiétant pour nos contemporains. Si La Boussole peut être un outil au creux de la main pour nous aider à avancer, nous en serons très heureux.

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Voici déjà 8 années que vous nous régalez de mots croisés, de mots codés, de télégrilles, etc., soigneusement construits autour de thème et de versets bibliques. Ce sont des jeux qui parlent à notre intelligence et à notre cœur. Nous aimerions donner aujourd’hui à nos lecteurs un petit aperçu de qui est derrière ce travail méticuleux, tout en respectant votre vœu d’anonymat. Que pourriez-vous nous dire sur vous, qui éclaire le choix des thèmes de chaque Tome ?

Le verset de la Bible qui m’a accompagné toute ma vie se trouve dans la lettre aux Romains, chapitre 8, verset 28. Il m’a appris que des épreuves peuvent être nécessaires pour aboutir à des résultats complètement imprévus et inespérés :

« Nous savons que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu ».

Dans mon cheminement personnel, le premier coup dur, c’est que je n’ai jamais connu mon père. En tant que ‘malgré nous’, il n’est jamais rentré de la guerre, et sa trace a même été complètement perdue. C’est donc ma mère seule qui m’a élevée avec l’aide précieuse de mes 4 grands-parents. Deuxième coup dur : peu avant mes 19 ans, ma mère est tombée subitement et gravement malade. Il m’a donc fallu renoncer à mes vacances déjà programmées et chercher du travail pour l’été. Or, il s’est trouvé que, dans la maison d’enfants handicapés où j’avais été employée, il y avait … mon futur mari ! Et cela fera bientôt 60 ans que nous sommes mariés !

Autres moments difficiles, mais qui ont été suivis de grands bonheurs : nous avons pu adopter nos trois enfants, et chaque fois, il y a eu des circonstances très spéciales sans lesquelles nous n’aurions pas été éligibles pour accueillir ces trois-là. Donc, quand des soucis sont venus à l’adolescence des enfants, nous étions sûrs qu’il n’y avait pas eu « d’erreur » et que nous pouvions rester sereins !

Comment est venue l’idée de ces livres de mots croisés ?

Quand j’ai pris ma retraite et qu’il n’y avait plus d’enfants à la maison, il m’a fallu trouver une occupation. Il y a bien longtemps déjà, j’avais vu ma belle-mère faire les télégrilles d’un magazine féminin. Je m’y suis mise aussi, et j’ai trouvé cela intéressant. Plus tard, je me suis dit : pourquoi ne pas proposer un verset biblique à la place de la citation d’un écrivain ? Quand on travaille sur un texte, on le retient plus facilement. De plus, les définitions des mots à trouver pouvaient souvent se rapporter au texte biblique, et rafraîchir aussi la mémoire.

 

Comment choisissez-vous les thèmes et les versets qui forment le cœur de chaque volume ?

Ce tome 8 est intitulé : « Une Parole de grâce et d’encouragement, dans un monde face à ses déchirements ». Les 7 précédents avaient toujours comme titre : « Une Parole de … , dans un monde … » et les versets allaient tous un peu dans le même sens. Cela permet de sensibiliser les lecteurs à ce qui se passe dans notre monde, et à réagir en s’appuyant sur la Parole de Dieu.

Comme je l’indique en début de chaque tome, je choisis habituellement, la version Segond classique, mais comme elle est de moins en moins utilisée par les jeunes générations, je me sers aussi d’autres traductions quand elles me semblent préférables, et je le signale. Une suggestion : si on trouve un verset dont la version n’est pas familière, revenir à sa propre Bible et y souligner le texte correspondant.

 

Quels sont vos mots de la Bible préférés ?

Je n’ai jamais pensé à des mots préférés, mais en y réfléchissant, ce serait : grâce et espérance, ce qui résume aussi Romains 8.28 cité plus haut, et nous ramène également à notre vie ici-bas et à notre vie future dans le Royaume. (Cf. le petit poème ci-dessous)

 

Réponse d’un centenier à Jésus, en Matthieu chapitre 8 verset 8

« Dis seulement un mot, et mon serviteur sera guéri ».
Et nous aussi,
Nous venons humblement à Tes pieds,
Pour Te demander
De nous éclairer
Par les mots que tu as prononcés
Pour notre instruction,
Et notre propre guérison
De tout mal qui nous accable.
Que Ta Parole immuable
Nous révèle des vérités
Pour tous les temps.
Alors, explorons-la assidûment,
Pour que nous puissions vivre selon Ta volonté.

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Les Éditions LLB : Bonjour Chris. Alors que les deux premiers livres de la série des Grandes Questions sortent de presse dans leur édition française, nous avons pensé que nos lecteurs aimeraient avoir l’opportunité de mieux connaître l’auteur à l’origine du projet. Les réactions initiales à ces titres en français ont été très positives, et nous aimerions donc savoir : qui se cache derrière la plume (ou sans doute plutôt le clavier) ?

Chris Morphew : Bonjour. Je suis ravi d’apprendre que les critiques sont positives ! C’est incroyable de voir ces petits livres voyager toujours plus loin à travers le monde ! Ça me dépasse un peu.

En guise de présentation, je suis écrivain, enseignant et aumônier d’école et je vis à Sydney, en Australie. Je donne des cours de religion chrétienne dans une école presbytérienne (classes élémentaires et collège). J’aide également à coordonner un certain nombre d’activités pour les enfants et les jeunes dans mon église locale.

 

Ce n’est pas (et de loin) votre première expérience en matière d’écriture. Sur quoi ont porté certains de vos projets précédents ?

J’ai commencé à écrire comme nègre pour une série de romans pour enfants intitulée Zac Power, qui raconte l’histoire d’un espion de douze ans. Depuis, j’ai également écrit une série de six livres pour adolescents intitulée The Phoenix Files, qui raconte l’histoire de trois lycéens qui tentent d’arrêter un complot visant à anéantir la race humaine. Et avant de commencer la série des Grandes Questions, j’ai également écrit un guide de méditations de 100 jours sur l’Évangile de Marc, intitulé Best News Ever (La meilleure nouvelle au monde).

 

Vous semblez plutôt jeune pour avoir déjà publié autant. Depuis combien de temps écrivez-vous ? Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir auteur et comment êtes-vous entré en contact avec un éditeur ?

Tout est arrivé un peu par hasard ! J’ai toujours aimé l’idée de devenir écrivain, en particulier romancier, et je travaillais toujours sur l’un ou l’autre projet, sans jamais vraiment me douter que quelque chose allait se mettre en place. Un jour, à l’église, j’ai discuté de tout cela avec mon amie Rowan McAuley, qui travaillait déjà dans ce secteur. Elle m’a dit que sa maison d’édition cherchait de nouveaux auteurs pour la série Zac Power qu’elle venait de lancer. J’ai passé les semaines suivantes à travailler sur un échantillon de manuscrit, et j’imagine que l’éditeur a aimé ce qu’il a vu !

J’ai toujours eu l’impression que c’était le plus grand des cadeaux, entrer par hasard dans une maison d’édition et être embauché sur-le-champ. Je suis tellement reconnaissant à Dieu de m’avoir donné l’occasion de continuer à écrire !

 

Parlez-nous un peu de l’origine de la série des Grandes Questions. Avez-vous identifié un besoin qui, selon vous, n’était pas satisfait ? Comment avez-vous choisi les thèmes de chaque livre?

Dans mon travail d’aumônier d’école, on me pose constamment toutes sortes de questions sur Dieu, la foi et la vie. Ces questions sont aussi diverses que les personnes qui les posent, mais au fil des ans, j’ai vu émerger certaines tendances. Les livres de la série des Grandes Questions représentent mes meilleures réponses aux interrogations les plus courantes que j’ai rencontrées au fil des ans.

 

En traitant ces sujets, d’autres auteurs ou chercheurs ont-ils particulièrement influencé votre choix d’approche ? Comment décririez-vous votre façon particulière de traiter ces questions ?

C.S. Lewis et Timothy Keller ont tous deux exercé une influence considérable sur moi au fil des ans, par leur approche de sujets complexes et leurs échanges réfléchis avec des visions du monde différentes des leurs. Plus récemment, j’ai trouvé les écrits et prédications de John Mark Comer, Jon Tyson et Amy Orr-Ewing extrêmement utiles et stimulants.

Mon but est toujours de prendre des lecteurs et leurs questions très au sérieux, avec beaucoup de sympathie à leur égard. Il s’agit le plus souvent de questions auxquelles je me suis moi-même confronté à un moment ou à un autre de ma vie, et mon approche générale consiste donc à présenter les idées et les preuves que j’ai trouvées les plus convaincantes dans ma propre vie.

Le fait que je réponde chaque jour à des questions de ce type dans le cadre de mon travail d’aumônier d’école m’aide également. Les milliers de conversations que j’ai eues au fil des ans m’ont aidé à déterminer les approches les plus utiles pour répondre à ces questions difficiles.

 

Vous semblez être au fait des références culturelles du moment et vous y faites appel dans vos écrits. Nous entendons régulièrement parler de tendances ou d’influences néfastes pour nos jeunes. Auriez-vous inversement identifié des choses positives qui se produisent parmi les jeunes dans nos cultures et que vous aimeriez encourager ou célébrer ?

J’aime la passion avec laquelle nos jeunes défendent la justice et l’équité. Bien sûr, ces désirs ne sont pas toujours exprimés de manière saine ou dans des directions saines – mais au fond, je pense que l’impulsion qui consiste à rechercher la justice est une idée profondément biblique. Si nous pouvons relier ce désir inné de justice à la vision du Royaume de Dieu de Jésus, je pense qu’il existe un potentiel incroyable pour que cette génération ait un impact positif profond sur notre monde.

Je pense également que cette génération commence à voir clair dans la rhétorique post-Lumières à propos du progrès humain. Ma génération a été élevée sur un tas d’idéaux brillants d’un avenir où la science, la technologie et l’éducation allaient résoudre tous les problèmes du monde. Cette génération de jeunes est arrivée sur la planète juste à temps pour voir un grand nombre de ces promesses s’effondrer et brûler sous leurs yeux. C’est évidemment très troublant (et je pense que cela explique en partie la saveur nihiliste que l’on retrouve dans l’humour de cette génération), mais je pense aussi qu’il y a là une véritable occasion de parler de la vérité et de l’espérance de l’Évangile dans leur vie.

 

Serait-il trop indiscret de vous demander qui est Chris Morphew d’un point de vue plus personnel ? Qu’est-ce qui vous passionne le plus ? Comment vos amis et votre famille vous décriraient-ils si nous avions l’occasion de les interviewer ?

Je pense que mes amis et ma famille diraient que je suis très passionné par les choses qui me tiennent à cœur, et probablement que je travaille un peu trop ! J’ai toujours plusieurs projets en cours. En ce moment, je coordonne les bénévoles de quatre églises différentes pour organiser un programme de vacances pour 200 enfants. Je suis également en train d’éditer mon prochain livre, de travailler sur des idées pour le livre suivant, d’enregistrer un podcast hebdomadaire… oh, et d’organiser mon mariage !

Mais une part de moi reste encore un peu comme un grand gamin. J’aime beaucoup les jeux de société, les jeux vidéo et les films à gros budget avec des superhéros un peu ridicules. Je pense que cette partie de ma personnalité m’aide malgré tout dans mon travail d’écriture !

 

Qu’est-ce que cela fait d’être traduit en français ? Est-ce la première fois ? Quelles idées, vraies ou fausses, les Australiens ont-ils généralement sur les Français (au-delà des questions politiques liées aux contrats de sous-marins, etc.)?

C’est très excitant de voir mes livres traduits en français ! C’est la première fois que je suis traduit dans cette langue. C’est toujours une expérience très étrange que d’ouvrir un livre que j’ai écrit et de ne pas pouvoir le lire – mais je suis heureux que d’autres personnes puissent le faire !

Malheureusement, je pense que l’idée que je me fais de la culture française est probablement assez stéréotypée – même si, heureusement, les images que j’ai en tête sont davantage dominées par la bonne cuisine, le vin et l’art que par les contrats de sous-marins !

 

Avez-vous visité la France, ou espérez-vous le faire à l’avenir ?

Je ne suis jamais allée en France (ni nulle part en Europe, d’ailleurs !), mais j’aimerais bien que cela arrive un jour !

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Le texte proposé est extrait du livre Rencontres avec le « Patron » de Philip Ribe, aux éditions Prétexte.

Pour notre série de préparation à Pâque 2023, l’auteur a enregistré l’extrait que nous mettons à votre disposition :

 

 

Yanos. Un week-end de désespoir…

Le jour va bientôt se lever et je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, l’idée même de dormir me choque, dormir, manger, reprendre le cours de ma vie… ma vie, quelle vie ? Je ne sais pas s’il y a encore une vie.

Ce n’est pourtant pas la première fois que je fais face à la mort, les autres, ont beau m’appeler le minot, parce que je suis le plus jeune, de l’équipe, je connais depuis longtemps le gout du deuil, la douleur de la séparation. J’ai vu les femmes envelopper mon père dans son linceul, les hommes le porter en terre… c’était dur, éprouvant, mais ce n’était pas pareil, c’était dans l’ordre des choses, même si c’est un drame terrible pour un enfant de se dire qu’il ne reverra jamais son père, nous savions tous depuis longtemps que cela allait se terminer ainsi. Il était âgé, malade, les derniers mois, et il s’est éteint doucement, comme une lampe qui n’a plus d’huile, mais là, rien ne nous y préparait, c’était soudain, improbable, inattendu…

Il avait pourtant essayé de nous préparer, de nous avertir, le « Patron ». À plusieurs reprises, et surtout les derniers temps, il avait abordé le sujet de son départ. C’était d’ailleurs les seuls discours de sa part que je n’ai jamais aimé, et même dans ces moments-là, j’étais convaincu qu’il nous parlait d’un futur lointain, du moment inéluctable où son œuvre accomplie, il nous quitterait, mais pas là, pas maintenant, pas avant que tout arrive, pas alors que rien n’est achevé. Notre histoire n’en était qu’à ses débuts… il me semble que c’était hier qu’il nous a proposé de le suivre, mon frère et moi…

Et puis, c’était tellement violent ! Le mot violent me parait dérisoire pour décrire un tel déchainement de haine, de méchanceté, de cruauté. Tout ce sang, cette souffrance, ces flots de hargne, de mépris, ces torrents d’injures… J’étais tellement en colère que je ne ressentais pas encore la douleur. J’aurais voulu qu’une pluie de feu s’abatte sur terre et détruise ces humains, tous autant qu’ils étaient, Romains, pharisiens, sans oublier la populace, sans cerveau, ces mêmes gens qui l’acclamaient comme un roi il y a à peine une semaine et qui a présent hurlaient et réclamaient sa mort, j’aurai aimé que le ciel s’ouvre et les consume jusqu’au dernier ! Ce n’est pas pour rien que le « Patron » nous avait surnommé « fils du tonnerre » mon frère et moi.

Aujourd’hui, comme à l’époque, je suis bien conscient qu’Il n’aurait pas cautionné ces envies de vengeance, même si j’avais l’impression qu’elles me soulageaient. À présent, j’en ai honte, quand je me remémore les dernières paroles qu’il a prononcées.

– Papa, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font…

Dans la pièce à côté, j’entends sa mère qui essaie de contenir ses sanglots, elle était tellement forte au pied de la croix, avec sa sœur, et les deux autres femmes. Elle n’a pas pleuré, jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’ils décrochent son corps qui n’était plus qu’une masse sanguinolente. Nicodème et Joseph, Dieu les bénisse, ont emporté sa dépouille. Nous sommes rentrés, et depuis elle est enfermée avec son immense peine. La lance qui a transpercé le cœur de son fils a dans le même mouvement transpercé aussi le sien. Et malgré ma promesse, je n’ai rien pour la consoler, je ne peux lui offrir ce que je n’ai pas, comment partager une parole de consolation quand on n’en possède pas la moindre petite goutte…

Le jour se lève, j’en suis presque surpris, je pensais que les ténèbres allaient régner sur la terre pour l’éternité… ma vie sans lui n’a plus de sens, plus de direction, plus d’intérêt. Je n’avais pas d’autres projets, je n’avais pas un plan B. Oh, bien sûr, j’ai un métier, je pourrais faire mon sac et rejoindre les bords du lac, réparer mes filets, renflouer ma barque, mais comment supporter de retourner à une existence sans but, travailler pour manger, manger pour travailler… de toute façon aujourd’hui c’est samedi, je ne peux ni travailler, ni voyager, comme tous les samedis, le pays est à l’arrêt. Aucune activité pour tenter d’oublier, pas d’échappatoire, pas de diversion, la peine est une lame acérée qui fouille mes tripes sans rien pour l’atténuer. Je ne peux que rester seul, rester seul et ressasser. Les mêmes questions qui tournent en boucle, sans l’ombre d’une réponse à l’horizon.

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui a foiré ? À quel moment nous sommes-nous fourvoyés ? Qu’est-ce qu’il fallait faire pour l’éviter ?

Et puis par-dessus tout, la question de la trahison. Les hommes, je le sais, sont méchants cupides, jaloux, mais « lui » ? Pourquoi ? J’ai bien vu d’ailleurs qu’au-delà de l’intolérable souffrance physique c’était ce qui le tourmentait, quand il a crié « pourquoi m’as-tu abandonné ? » Abandonné…

C’est le mot, le mot de la fin, il a été abandonné, nous l’avons abandonné, mais il nous a abandonnés. Plus aucune perspective, plus rien à escompter, plus rien à espérer… pourquoi continuer à vivre, si la vie n’a plus de promesses, plus d’attente d’un bien, d’un mieux possible à envisager, plus rien à désirer…

C’est lui qui est mort, et moi je ne suis plus. Je respire, je pense, je ressens, mais je ne fais plus partie du monde des vivants. Plus de différence entre le doux et l’amer, plus de beauté, plus de clarté, plus rien qui distingue le foncé du clair, tout est sombre, sans gout, sans forme, plus d’impatience de voir à nouveau l’été, le printemps ou l’hiver.

Le temps, si fluide hier, est plus épais que de la poix, les grains de sable sont devenus gluants, ils ne s’écoulent plus, vite ou lentement, il n’y a plus d’après ou de maintenant, je suis suspendu au malheur, accroché au néant, écrasé par le vide et pourtant désespérément vivant.

Comment désirer aller de l’avant s’il n’y a personne à rejoindre, si tout ce qui a du sens s’est évaporé irrémédiablement ? L’absence me mine, me ronge, me lacère en dedans. Je revois son visage, j’entends ses mots, sa voix, je revis son agonie…

Dans mon chagrin, souffrir un peu plus est la seule façon de me sentir encore appartenir au monde du vivant. Je remue ma douleur comme une dent qui fait mal, mais ma détresse me vole aussi cet expédient.

S’il avait seulement disparu, si je n’étais pas absolument certain qu’il n’est plus, s’il s’était enfui quelque part au fin fond du désert, à l’autre bout de l’empire, je pourrais passer le restant de mes jours à le chercher, avec au fond du cœur l’étincelle de la possibilité d’une rencontre. Un possible, même infime, même dérisoire me suffirait… mais j’ai vu la lance dans son côté, j’ai entendu son dernier cri, j’ai vu les femmes sur son corps sans vie, lorsqu’enfin ils l’ont décroché. Et puis, ces deux hommes qui l’on conduit à sa sépulture…

Marie m’a pris par le bras et nous avons marché, marché dans les ténèbres du dehors comme un sombre écho des ténèbres glaciales qui avaient pris possession de mes tripes de mon cœur, de mes pensées. Et depuis c’est la nuit, la nuit à laquelle ne succèdera que la nuit, même si à présent le soleil est présent comme si rien ne s’était passé, comme une insulte à ma peine, comme une moquerie devant mon désespoir. Je le regarde par les fentes de mes volets fermés, il trace, indifférent, sa route à travers la journée, bientôt il se cachera derrière les collines et la pensée d’une autre nuit sans sommeil, sans espoir, ne me fait pas oublier que je viens de vivre une infernale journée dans le noir le plus total.

Des coups, j’entends le son du marteau sur les clous… j’ai dû m’assoupir, je me réveille en sursaut, les coups n’étaient pas que dans mon cauchemar, on frappe à la porte. J’ai peur, se pourrait-il que des soldats me cherchent moi aussi ?

Une lueur grisâtre se glisse dans la pièce ou je me suis effondré. C’est le matin, mais le soleil n’est pas encore levé. Les coups continuent sur la porte verrouillée. Pourquoi aurais-je peur ? S’ils viennent pour m’emmener, ce sera un soulagement.

J’ouvre. Non, ce ne sont pas des soldats, seulement des femmes, essoufflées, bouleversées, elles parlent en même temps…

– Jean ! Jean ! Il faut que tu viennes, Il n’est plus là, la pierre a été déplacée… on a prévenu Shimon-Pierre aussi, il arrive…

Je n’entends plus ce qu’elles disent, je cours, je cours comme un fou, Pierre ne risque pas de me rattraper, je cours et mon cœur qui cogne comme un marteau emballé ne peux s’empêcher de s’accrocher à un espoir ridicule, stupide, insensé, mais que je ne peux pas totalement réprimer… et si…

 

 

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Méditations quotidiennes pour la semaine de Pâques

Les méditations bibliques ci-dessous proviennent du numéro de leGuide du 2e trimestre 2024, pour les journées du 27 au 31 mars 2024

Lecture de la méditation du mercredi 27 mars 2024

Lecture de la méditation du jeudi 28 mars 2024

Lecture de la méditation du vendredi 29 mars 2024

Lecture de la méditation du samedi 30 mars 2024

Lecture de la méditation du dimanche 31 mars 2024

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